Bruno Lemaire s’assoit sur la loi Grenelle II
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Marie-Monique Robin

Pour ceux qui en douteraient encore : Bruno Le Maire représente le meilleur allié des grands céréaliers et pollueurs agricoles : le 5 mars dernier, le ministre de l’agriculture, qui depuis qu’il occupe ce poste n’a cessé de détricoter discrètement les lois issues du Grenelle de l’environnement, a signé tout aussi discrètement une circulaire, destinée à « assouplir l’interdiction de pulvériser des pesticides par voie aérienne », pour reprendre les termes du Monde du 24 mars. En effet, la Loi Grenelle II du 13 juillet 2010 prévoit (article 103) l’interdiction de ce type d’épandages, laquelle, il est vrai, peut être l’objet de dérogations, « dans des conditions strictement définies par l’autorité administrative pour une durée limitée », et « après avis de plusieurs commissions compétentes en matière d’environnement ». Pour la circulaire du 5 mars,  personne n’a été consulté!

Intitulé « Liste des produits phytopharmaceutiques autorisés ou en cours d’évaluation pour les traitements par aéronefs », le texte du ministre Le Maire à « diffusion limitée » , fournit aux directions régionales et départementales de l’agriculture, la « possibilité de délivrer des dérogations pour toute une série de fongicides, herbicides, insecticides destinés à traiter le maïs, le riz, la vigne et les bananiers. » On notera au passage l’usage du bel euphémisme imposé par l’industrie chimique, ainsi que je le raconte dans mon livre Notre poison quotidien, qui consiste à faire croire que les poisons agricoles déversés dans nos champs sont de vulgaires médicaments censés soigner les plantes !  Ainsi que souligne Le Monde, parmi les pesticides compris dans la fameuse liste, six sont classés officiellement « dangereux pour l’environnement et « nocif » sur le plan toxicologique, au point de pouvoir provoquer des « effets graves pour la santé ». Pas mal pour des « médicaments » qui , notamment lors d’un épandage aérien, vont polluer l’air, les ressources aquifères, la terre et les maisons sur des dizaines de kilomètres.

Tout indique qu’en cette période de campagne électorale la circulaire « discrète » est destinée à satisfaire les grands pollueurs agricoles qui n’ont de cesse de tirer à boulets rouges sur les défenseurs de l’environnement, ainsi que le prouve ce texte incroyable, publié par Gilbert Bros, le président de la chambre d’agriculture de Haute Loire, dans La Haute Loire Paysanne ( sic) du 24 février. Intitulé « Les malfaisants » , cet « édito » explique sans complexe: « Ce sont ceux qui détruisent l’économie et les emplois, qui ruinent la France. Je veux parler des écolos ».

Mais lisez plutôt cette charge nauséabonde d’un homme qui dirige une institution chargée de conseiller et d’assister les paysans…(cf. pièce jointe)

Pour ma part, je mets en ligne un extrait de mon livre Notre poison quotidien, où j’expliquais que selon des études réalisées aux Etats Unis et en France, moins de 1% des pesticides épandus atteignent leurs cibles, le reste partant dans l’environnement. Je rapportais aussi une étude conduite par des chercheurs californiens montrant que les riverains habitant près de grandes cultures arrosées de poisons agricoles partageaient avec les agriculteurs un risque accru de déclencher une maladie de Parkinson, surtout s’ils étaient exposés pendant l’enfance.

 

Lire l’extrait du livre : ICI.

 

Marie-Monique Robin, publié sur son blog

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Pièce jointe

Edito de Bros