A l’appel du collectif Pays Fertois, ce sont plus de 400 personnes qui se sont mobilisées ce samedi 3 août à Jouarre contre le pétrole de schiste. Nous y étions, nous les soutenons. La compagnie Hess Oil a installé en pleins champs un site de forage en vue d’une exploration du sous-sol. Pourquoi faire ? L’objectif affiché est de déterminer la présence de pétrole en vue d’une exploitation conventionnelle. Les habitants, les élus, et les citoyens constitués en collectifs le démentent, et brandissent les déclarations déposées en préfecture par l’exploitant pétrolier.
Un flou artistique sur fond de certitude : la foreuse est là, et fracturation hydraulique ou pas, le gaz et le pétrole de schiste, nous n’en voulons pas.
Les écologistes franciliens ont rappelé les trois responsabilités collectives qui fondent notre opposition à ce forage. La responsabilité aujourd’hui, en ne signant pas de blanc-seing aux pétroliers quand seule une transition énergétique pourra réduire à la fois notre emprunte carbone et la précarité énergétique qui frappe les populations franciliennes. La responsabilité envers les générations futures, en mettant notre ingéniosité collective au profit de projets durables et citoyens, et non en maintenant une économie du prélèvement à bout de souffle. La responsabilité face à l’enjeu mondial enfin, en condamnant également ailleurs ce dont nous ne voulons pas ici.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent pour la qualité des sols, de l’eau, des terres agricoles, les écologistes franciliens et leurs élus maintiendront leur vigilance et leur mobilisation contre l’exploration et l’exploitation du gaz et du pétrole de schiste.
Juliette Hosten
Porte-parole EELV IDF
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Des centaines de manifestants contre l’exploration du gaz de schiste
Plusieurs centaines de personnes (300 selon la gendarmerie, 450 selon les organisateurs) ont manifesté samedi à Jouarre (Seine-et-Marne), devant la plateforme du pétrolier Hess pour dénoncer le projet d’exploration du gaz de schiste, a constaté un journaliste de l’AFP. «Les huiles de schiste…, on n’en veut pas, ni ici, ni ailleurs! Ni aujourd’hui, ni demain », « C’est notre terre, Hess go home », proclamaient les banderoles des manifestants, pour la plupart habillés de noir, « symbole de la marée noire », selon Jean-Philippe Prévost, fondateur du Collectif Pays Fertois, une des organisations ayant appelé à la mobilisation.
« Le 14 juillet, le président de la République a annoncé à la télévision que sous son mandat, il n’y aurait pas d’exploration de gaz de schiste. Le même jour, l’entreprise Hess installait la foreuse qu’on a sous les yeux. On peut être interpellés par la coïncidence », a relevé M. Prévost pour qui « il n’est pas question qu’on arrête cette lutte tant que la plateforme sera là ».
Aux côtés de militants des associations de défense de l’environnement, de nombreux élus locaux se sont mobilisés. « Les compagnies pétrolières utilisent des sommes folles pour l’exploration. Nous, on aimerait bien que ces compagnies puissent réfléchir à d’autres énergies alternatives pour l’avenir. Le pétrole, c’est terminé », a tranché Nathalie Pierre, maire (PS) de la Ferté-sous-Jouarre.
« Nous sommes contre l’exploration, mais également contre l’exploitation. Si cette plateforme est installée ici, ça veut dire qu’elle est prête à entrer en fonction, malgré le discours du gouvernement. On sait qu’il y a des lobbies puissants qui militent pour le gaz de schiste y compris parmi ses ministres », a dénoncé Annie Lahmer, secrétaire régionale EELV. Une allusion à la position d’Arnaud Montebourg qui s’est montré favorable « à titre personnel » à l’exploration du gaz de schiste par d’autres moyens que la fracturation de la roche mère.
Plusieurs militants ont tenté de pénétrer sur la plateforme mais n’ont pas réussi à approcher les installations gardées par des gendarmes mobiles.
« Nous travaillons dans le cadre de la loi. On est là pour faire un forage pour déterminer s’il y a du pétrole ici. Par ailleurs, les services de l’Etat contrôlent régulièrement et inopinément nos activités », a plaidé Guillaume Defaux chargé de communication de Hess Oil. « Sur les 50 dernières années, on a produit 250 millions de barils et on souhaite poursuivre cette histoire », a-t-il ajouté précisant que son entreprise « s’est engagée à ne jamais recourir à la fracturation hydraulique ».
Hess, groupe américain spécialisé dans ces hydrocarbures non conventionnels, avait acquis en juillet des permis d’exploration français de la compagnie Zaza Energy, laquelle avait à son tour racheté en 2011 le groupe Toreador, leur détenteur initial.
AFP – JOUARRE (France / Seine-et-Marne), 03 août 2013
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Le pétrole de Paris : rêve des industriels, cauchemar des écolos (ENQUETE)
Au milieu des champs de Jouarre, près de Paris, une foreuse s’apprête à fendre la croûte terrestre. Préambule à l’exploitation du pétrole de schiste, s’alarment les écologistes qui devaient manifester samedi, malgré les dénégations du pétrolier américain Hess Oil.
Hess plaide sa bonne foi: il n’est pas dans la Brie pour pratiquer la fracturation hydraulique, controversée et interdite, mais pour cartographier le sous-sol du Bassin Parisien, qui va de l’Est de la capitale aux abords de l’Alsace, explique son président pour la France, Bertrand Demont.
« Contrairement aux idées reçues, ce sous-sol est assez peu connu », affirme M. Demont. « Le programme de Hess en France c’est (…) d’identifier une ressource potentielle à exploiter », précise-t-il. L’enjeu : tomber sur du pétrole et rentabiliser l’investissement initial de 45 millions d’euros puis 12 à 15 millions d’euros par forage exploratoire, dont deux ont été réalisés.
Les militants jugent eux qu’après 50 ans d’exploitation, dont témoignent les centaines de « têtes de cheval » en métal vert qui parsèment la campagne de Seine-et-Marne, les réserves sont connues. « Les couches les plus élevées ont déjà été explorées », estime le géologue Jacques Thibieroz, pour qui Hess a « un vrai projet dans la roche mère » et le pétrole de schiste qu’elle renfermerait.
Ils soulignent qu’en jetant leur dévolu sur la région, les pétroliers nord-américains s’intéressaient ouvertement au pétrole de schiste. Hess, acteur majeur des hydrocarbures de schiste aux Etats-Unis, réalise 15% de son activité dans ce secteur.
Après l’attribution en 2009 du permis de Château-Thierry, qui comprend Jouarre, les industriels voulaient sonder les roches-mère par fracturation hydraulique. Le pétrole traditionnel n’était qu’un « objectif secondaire ». Entre-temps, la France a interdit cette technique en 2011. Mais pour Isabelle Lévy, du collectif fertois, c’est bien la preuve que « Hess veut mettre un pied dans la porte et passer à la fracturation hydraulique » si la loi devait changer à nouveau.
Absurde répond Hess Oil : un groupe coté ne risquerait pas des millions sur un projet bloqué par un obstacle politique: la fracturation interdite, Hess a « adapté » son projet, argue-t-on.
La cartographie va certes permettre de localiser du pétrole « pour lequel les techniques de production (…) sont interdites » mais surtout du pétrole conventionnel dans des couches négligées jusque-là ou du pétrole de roche-mère extractible sans fracturation, escompte son dirigeant. Hess fore jusqu’à 3,5 km de profondeur, et retire environ 400 mètres de carottes, contre quelques dizaines traditionnellement.
Village sous tension
La tension est vive autour de la foreuse de 26 m de haut, dont le montage s’achevait lorsque François Hollande a déclaré, le 14 juillet, que « l’exploration du gaz de schiste » resterait interdite pendant son mandat.
Des hommes en combinaison et casque s’y activent entre baraquements et tubes métalliques. Les militants ont installé leurs banderoles. « On les observe, ils nous observent » à travers les grilles qui entourent le site, constate l’un d’eux Alain Ducroux.
De son côté, l’entreprise a rencontré maires et agriculteurs, inquiets des risques de pollution, pour présenter son projet et les précautions prises pour ce forage de deux mois: imperméabilisation du sol, lutte contre le bruit.
« J’utilise l’eau de mon puits, je veux être rassuré sur la transparence des contrôles » publiés par Hess, dit un céréalier, taisant son nom au motif que « tout le monde se surveille » dans le village.
Le couple d’agriculteurs qui a loué sa terre à Hess, « n’avait pas vraiment compris ce qui allait se passer » et « regrette », raconte aujourd’hui leur fille.
Ajoutant à la confusion, un journaliste local a été menacé après avoir publié une interview d’un dirigeant de Hess, a-t-on appris de source préfectorale. D’autre part, l’appel des anti-schiste a été relayé, à leur grand dam, sur des blogs d’extrême-droite.
La préfète Nicole Klein veut calmer le jeu: les pétroliers « ne sont pas des philanthropes mais leurs recherches sont encadrées » et contrôlées par l’administration.
AFP – par Francois BECKER. JOUARRE (France / Seine-et-Marne), 02 août 2013
Photo : Image du film Gasland de Josh Fox