Eva Joly : Il faut en finir avec les ventes à la découpe
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Eva Joly Logement

Les ventes à la découpe sont de retour en région parisienne. Ce phénomène, qui consiste à vendre un immeuble en le découpant par lots individuels, n’a qu’un seul objectif : créer une plus-value supérieure, sans aucune justification. A l’occasion de l’Assemblée générale de la société foncière Gecina, qui multiplié les projets de vente à la découpe, Eva Joly réagit :

« On peut agir face à la spéculation immobilière. Les sénateurs écologistes ont déposé une proposition de loi le 22 mars 2012 pour interdire la pratique de congé pour vente, indispensable à une vente à la découpe.Les congés pour vente n’ont aucune légitimité, ils ne servent qu’à vendre des logements vides pour les vendre cher. Comme en Allemagne, il faut les interdire, pour protéger les locataires. Les rapports locatifs ont besoin de stabilité, et de prévisibilité. C’est pourquoi nous proposons une garantie des risques locatifs universelle, pour protéger les propriétaires face aux risques d’impayés et les locataires face aux risques de discrimination.

 Nous imposerons également aux investisseurs institutionnels de conserver un parc locatif privé à loyers modérés. Le logement ne doit pas être un bien spéculatif. »

Europe-Ecologie Les Verts, dont les élus parisiens et franciliens sont intervenus à plusieurs reprises sur le sujet, appelle à se mobiliser mardi 17 avril à 14h30, place de la Bourse à Paris, en soutien à l’appel des « découpés » et à l’occasion de l’Assemblée générale de Gecina.

Le groupe Gecina a annoncé la liquidation de 1239 logements de son patrimoine en bloc et les cessions de 395 M€ à la découpe dans les 12e, 13e, 14e, 15e et 19e arrondissements. D’autres investisseurs se sont engagés dans le même processus, notamment dans les 10e et 13e. Entre 1995 et 2004, 56 000 logements ont été touchés à Paris et la ville n’a pu racheter que 9 740 logements sur la période de 2001 à 2007.

 

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Paris, le 16/03/2012.

Aux locataires du 166-172 quai de Jemmapes.

Madame, Monsieur,

Nous venons de prendre connaissance d’un courrier que le Maire du 10e arrondissement vous a adressé le 7 mars 2012 concernant la vente de l’immeuble dans lequel vous êtes locataires.

Il y est écrit que le « coût très élevé de la transaction ne permet pas à la Ville de Paris d’exercer son droit de préemption ».

Nous sommes en total désaccord avec cette prise de position.

Nous avons eu connaissance récemment des projets de GECINA, de vendre plus de 2000 logements à Paris. Nous connaissons bien la stratégie spéculative de ces grands groupes financiers qui finit toujours par la « vente à la découpe ». Les élus communistes se sont fortement mobilisés auprès des locataires dans l’impossibilité d’acheter et réduits au déménagement lors de la vente de plusieurs milliers de logements du même type que les vôtres par le groupe financier ICADE.

Aussi avons-nous présenté le 30 janvier dernier un vœu lors de la réunion du conseil d’arrondissement demandant que : « s’ouvre des négociations auprès de la société Gecina pour l’acquisition par un organisme public de logements sociaux. A défaut d’un accord, que la Ville de Paris préempte, y compris par lot, dans le cadre du droit de préemption renforcé, les immeubles concernés, en vue de leur rétrocession à l’un de ces organismes pour leur évolution vers des immeubles de logements sociaux diversifiés (PLS, PLUS, PLAI) ».

Nous demandons également que se réunisse le Comité de veille sur les ventes à la découpe, organisme consultatif auprès du maire de Paris. Seuls les élu(e)s EELV ont voté ce vœu avec nous. Il a été adopté par défaut, les élu(e)s socialistes s’étant abstenu(e)s, les élu(es) de droite ayant voté contre.

Les élu(e)s socialistes ont proposé un autre vœu qui tout en n’excluant pas l’intervention de la ville, ne la privilégiait pas. Nous avons voté ce vœu. La spéculation immobilière à Paris et dans 10ème, surtout au bord du canal, mérite un engagement ferme des pouvoirs publics. On ne peut se contenter de demander à GECINA qu’elle « apporte des garanties aux locataires » se trouvant dans l’incapacité de demeurer dans leur logement.

Dans l’immédiat, la seule protection pour les locataires qui ne peuvent acheter est d’agir pour que la ville de Paris soit favorise une négociation avec un organisme public pour racheter les immeubles GECINA soit préempte.

La Ville de Paris garantirait le droit au maintien dans les lieux des locataires aux conditions actuelles. Pour ceux dont le niveau de revenus le permet, ils pourraient bénéficier de loyers de type PLS (catégories moyennes) voire PLA (revenus de 60% de la population)

Nous rappelons que la loi Gayssot/Besson, dite SRU, impose que les communes d’une certaine taille accueillent au moins 20% de logements sociaux. La municipalité de gauche le réalisera à Paris en 2014.

Dans notre arrondissement, morceau de ville de près de 100 000 habitants, parti de très bas, nous en serons cette année là à moins de 15%, malgré toute la mobilisation de la municipalité d’arrondissement. Des milliers de demandes ne pourront être satisfaites.

Dans le 10ème arrondissement, la densité urbaine offre peu d’espaces de construction, la municipalité doit donc se saisir de toutes les opportunités de cessions immobilières importantes. Nous avons tenu à vous exposer notre point de vue et restons à votre disposition pour vous écouter et répondre à vos questions éventuelles.

Bien cordialement.

Alain Lhostis. Conseiller de Paris, élu du 10e arrondissement

Marie-Thérèse Eychart. Adjointe au Maire du 10e arrondissement

 

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Début de mobilisation des résidents de l’immeuble quai de Jemmapes géré par le groupe Gecina dans le 10e arrondissement.

 

Immeuble vendu à la découpe GEcina
Une pancarte oubliée : la société Locare qui gère les appartements du groupe Gecina ne propose plus d’appartements à la vente ou à la location dans le 10e arrondissement – Photo : VD.

Le groupe Gecina a annoncé en janvier aux locataires la liquidation en bloc des logements de son patrimoine dans le 10e arrondissement. L’acheteur, la BNP Paribas, a proposé aux locataires 6 années de bail supplémentaire avant de revendre l’immeuble.

Leur logement, ils y tiennent. Après avoir rencontré Rémi Féraud (PS) le maire du 10e arrondissement le 26 mars 2012 à la mairie d’arrondissement, les locataires de l’immeuble situé 166-172 quai de Jemmapes prévu à la vente en bloc par la société Gecina à BNP Paribas ont également exposé leurs craintes aux deux élus communistes de l’arrondissement : Alain Lhostis, conseiller de Paris et élu du10e arrondissement en charge de la Politique de la Ville, et Marie-Thérèse Eychart, adjointe au maire du 10e en charge de la Petite enfance, des Droits de l’Homme et de la lutte contre les discriminations.

– « Que faire ? » demande l’un des 35 locataires présent à la réunion du 10 avril 2012 à 18h45 au Point Ephémère dans le 10e arrondissement de Paris. A quelques mètres de là, leur immeuble se reflète dans les eaux du canal Saint Martin dans la lumière du soleil couchant : bien situé, il comporte un jardin intérieur et jouxte un groupe scolaire.

Pour Alain Lhostis, « vous devez vous mobiliser. » Ecoutant les craintes des locataires, il fait « le pari que la BNP Paribas va vendre à la découpe » l’immeuble.

– « C’est l’avenir qui compte, il faut faire des propositions pour l’avenir ! »

– « Est-ce que la Ville de Paris va racheter l’immeuble ? »

– « Le mécanisme » explique par Alain Lhostis : « On achète un immeuble et la ville le transmet à un organisme social (…) vous devriez dire au maire du 10e arrondissement que vous souhaitez que la ville achète l’immeuble.»

Le conseiller de Paris donne en exemple « la rue Eugène Varlin où la préemption est passée, il y a eu une mobilisation, et on a acquis appartement par appartement, cela a coûté plus cher. »

– « On n’a pas été prévenu, que pouvez-vous faire pour nous aider ? »

Alain Lhostis : « Il faut faire une association et aller voir Jean-Yves Mano et le maire du 10e arrondissement. »

– « Est-ce qu’on monte une association ? »

L’un des locataires informe qu’une réunion pour créer l’association est prévue à la mairie du 10e le 17 avril à 20h.

Immeuble vendu à la découpe
Immeuble mis en vente par Gecina et qui serait racheté par BNP Paribas – Photo : VD.

« On peut préempter à des prix inférieurs au marché et si le prix est trop bas, c’est le tribunal qui décide, il y a plein d’exemples dans le 19e arrondissement, qu’en pensez-vous ? »

Alain Lhostis hoche la tête : « La préemption est légale et le tribunal juge sur le prix du marché. »

– « Apparemment il y a des actions systématiques de préemption, il y a beaucoup d’affaires en justice. »

Alain Lhostis promet de se renseigner auprès de ses amis dans le 19e .

« Est-ce que ce n’est pas un moyen de geler les choses, de faire traîner la vente ? »

– « Comment bloquer la vente ? »

– « Mais on n’est pas sûr que la BNP Paris ne va pas vendre ! »

– « C’est écrit dans Les Echos ! »

– « Il y a le département de Paris et la région, est-ce qu’ils sont compétents pour préempter ? »

Alain Lhostis : « La région contribue à des financements, comme l’Etat (…) 100 locataires sur 140 peuvent demander à la Ville de préempter. »

– « Comment bloquer la vente, on a jusqu’au 26 avril ! »

Alain Lhostis : « Si on peut encore préempter ? Je ne sais pas… (…) il faudrait interroger Jean-Yves Mano » (ndlr : Jean-Yves Mano, l’adjoint au Maire de Paris en charge du logement) cela a plus de poids au conseil de Paris, le prochain est en mai-juin. »

– « Vous ne pouvez pas l’appeler ? »

– « Il y a beaucoup de ‘turn-over’ (ndlr : en français « renouvellement ») dans l’immeuble avec des couples avec des revenus supérieurs ; peut-être que cela les intéresse d’acheter leur appartement ? Est-ce que la Mairie de Paris ne peut pas préempter une partie de l’immeuble ? »

Alain Lhostis : « Cela se fait. La gestion de ce type de copropriété n’est pas toujours souple (…) Si vous pouvez être racheté par la RIVP c’est mieux ! »

– « Il n’y a aucune loi qui nous autorise à contrer Gecina, ils ne nous ont pas prévenu et on ne peut pas racheter, nous les locataires on subit et on se tait ! »

– « On a une fenêtre de 10 jours ! »

Alain Lhostis : « On a déposé un voeu au début sans trop avoir d’éléments et quand on a posé la question au conseil de Paris, on a fait un voeu global avec le 18e et 19e arrondissement. Mais cette fois-ci la Ville ne semble pas vouloir s’engager ».

– « Il n’est pas trop tard ? »

– « Je soutiens la position d’Europe Ecologie Les Verts et du Parti communiste ; le PS s’est abstenu ; on défend la préemption de l’immeuble pour faire retarder la vente si possible et demander au maire du 10e et au Maire de Paris de racheter ! »

– « Les locataires ont déjà empêché la construction d’un immeuble sur le square Villemin ! »

Alain Lhostis se présente comme le plus ancien élu de Paris, ayant été conseiller d’arrondissement dès 1971 : « C’était en 1975, j’avais demandé la modification du Plan d’occupation des sols pour créer un espace vert ; on m’a dit c’est l’Armée, pour des logements pour les militaires ! Mais rien n’est jamais définitif, les choses ne sont jamais bloquées… « 

– « Ce qui est dommage c’est qu’on fait cette réunion à quelques jours de la vente, pourquoi ne pas avoir fait une réunion avant, pourquoi pas en janvier quand on a eu le communiqué de Gecina ? »

Alain Lhostis : « Le maire du 10e ne savait pas que cela allait être vendu ! »

 

L’annonce de la réunion à la mairie pour la constitution d’une association est rappelée ainsi que le rendez-vous du 17 avril à 14h30 : nous manifesterons devant la Bourse avant l’assemblée générale annuelle des actionnaires de Gecina à 15h ! »

« Bon il faut faire une pétition ! »

– « Mais non, il faut d’abord créer l’association ! »

– « Non avant, une pétition des locataires pour ne pas arriver les mains vides à la mairie ! »

– « J’espère qu’on sera nombreux ! »

– « Et il ne peut pas y avoir un locataire qui achète 1 action de Gecina pour assister à l’assemblée générale mardi ? »

– « On ne peut pas attendre mardi pour la pétition, on peut déjà la rédiger ! »

– « Est-ce qu’on peut se réunir dès demain matin ? « 

– « Ah non moi je travaille, je pars à 8h30 ! »

– « Qui sont les retraités ? »

Alain Lhostis : « Il faut faire une action vers Gecina et vers les élus (…) je ne vois pas d’autres solutions que de demander la préemption. »

– « Et Jean-Luc Mélenchon ? Il habite dans le coin, ce ne serait peut-être pas idiot de le contacter ? »

Alain Lhostis : « Nous, on est des élus jusqu’en 2014. Je n’ai pas loupé beaucoup de bagarres dans l’arrondissement (…) Pour Paris c’est un enjeu capital, il faut faire un effort. Et sur le logement, EELV et le PCF se sont battus : le compte foncier a été abondé et le Maire de Paris a beaucoup bougé car il y a eu des mobilisations. »

La réunion prend fin peu avant 20h. Toutes les questions n’ont pas reçu de réponses. La mobilisation commence.

Alain Lhostis se demande si la Mairie de Paris ne connaissait pas le projet de la vente car le groupe Gecina a normalement dû déposer une DIA : Déclaration d’Intention d’Aliéner. Une démarche obligatoire pour le vendeur et qui ouvre droit à une demande d’acquisition d’un bien soumis à l’un des droits de préemption.

Les habitants, regagnant leur l’immeuble quai de Jemmapes, attendent désormais « bien plus que des mètres carrés », le slogan du groupe Gecina.

Vaea Devatine – Mercredi 11 Avril 2012

sur le Blog de Alain Lhostis

 

 

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A lire aussi

 

Sur le site Paris 13e : Les sénateurs écologistes déposent une loi contre la vente à la découpe

Site des découpés du 19e