Les sénateurs écologistes déposent une loi contre la vente à la découpe
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Communiqué du 22 mars 2012

 Le groupe écologiste du Sénat a déposé aujourd’hui une proposition de loi visant à interdire la pratique de « la vente à la découpe ».

Cette pratique des spéculateurs immobiliers consiste à acheter et revendre des biens par lots en vue de plus-values substantielles. Pour René Dutrey , conseiller de Paris, président de la commission urbanisme et logement, « ces ventes à la découpe sont un véritable drame social pour les classes populaires et moyennes des centres villes qui se retrouvent ainsi évincées d’un logement occupé parfois depuis des dizaines d’années ».

Or ces ventes sont en nette progression. A Paris, à la fin de l’année 2006, il était recensé 229 immeubles concernés par des procédures de découpe. Quand le groupe GECINA annonce aujourd’hui la liquidation de 1239 logements de son patrimoine en bloc et les cessions de 395 millions d’euros par la découpe dans les 8e, 10e, 12e, 13e, 15e et 19e arrondissements.

Le phénomène touche principalement les grandes agglomérations comme Marseille, Lyon, Paris et de nombreuses communes d’Ile-de-France (Saint-Mandé, Charenton, Boulogne-Billancourt, Fontenay-sous-Bois, Vincennes, Courbevoie, Versailles…).

La proposition de loi visant à interdire les ventes à la découpe déposée par le groupe écologiste se résume en deux axes principaux:

  • la création d’un permis de mise en copropriété qui sera délivré par le maire ou le président de l’EPCI ;
  • la suppression du « congé pour vente », à savoir la possibilité pour un propriétaire de donner congé à un locataire pour vendre le logement.

Pour Joël Labbé, sénateur EELV et vice-président de la commission des affaires économiques, « la pratique des ventes à la découpe correspond à une financiarisation à outrance du marché du logement et l’année 2012 risque d’être particulièrement propice au développement de cette pratique car de nombreux propriétaires pourraient mettre en vente une partie de leurs patrimoines avant une probable correction des prix ».

« La vente à la découpe est l’arme des spéculateurs, renchérit Emmanuelle Cosse , déléguée nationale au logement à EELV. Si nous n’y mettons pas un terme, les classes populaires seront bientôt chassées des centres urbains car elles ne peuvent plus suivre le mouvement de flambée des prix que nous connaissons depuis dix ans. »

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Des locataires pris dans les affres des ventes à la découpe

 

Un projet de loi visant à interdire les ventes à la découpe a été déposé par le groupe Europe Ecologie les Verts (EELV) au Sénat, où la gauche est majoritaire depuis septembre 2011

Mais le devenir de ce texte est suspendu au calendrier et aux résultats de l’élection présidentielle et des législatives qui suivront. Son examen par le Sénat et l’Assemblée nationale n’est pas pour demain.

Néanmoins, cette initiative est révélatrice d’une inquiétude qui monte à nouveau parmi des locataires de Paris, de la banlieue parisienne (Saint-Mandé, Charenton, Boulogne-Billancourt, Fontenay-sous-Bois, Vincennes, Courbevoie, Versailles…) et de grandes métropoles régionales comme Lyon.

Après avoir connu une accalmie, les ventes à la découpe repartent de plus belle. Les investisseurs institutionnels (Banques, Sociétés d’assurance, Mutuelles, Sociétés foncières…) continuent à se défaire de leurs immeubles de logement.

Ils cèdent ces bâtiments en bloc à des opérateurs immobiliers, qui revendent ensuite les logements un par un, en réalisant au passage une jolie plus value. Au terme de leur bail, les locataires en place sont tenus d’acheter leur logement, ou de faire leurs valises.

«Le logement est devenu un simple produit sur le marché des grandes villes de France, qui se sont transformées en vaste Monopoly» écrivent quatre élus EELV (1) dans une tribune publiée récemment par Mediapart. «Des spéculateurs de tout poil jouent sur sa valeur, au prix de l’exclusion d’une partie de plus en plus importante de la population».

Mi-janvier, la société foncière Gecina, a annoncé la vente de 10 immeubles d’habitation à Paris et en banlieue parisienne pour un montant de 395 millions d’euros. L’acheteur est une filiale immobilière de BNP-Paribas. Un autre immeuble d’habitation à Lyon a été vendu pour 49 millions d’euros. Total de l’opération: 444 millions.

En Ile-de-France 1239 appartements, sont concernés par cette transaction dont une bonne moitié serait revendue à la découpe.

D’autres immeubles (vendus et rachetés par d’autres opérateurs immobiliers) subissent déjà les affres de la découpe, notamment dans les XVe et XIXe arrondissements de la capitale et à Saint-Mandé (Val-de-Marne).

Des familles occupant paisiblement leur logement et payant leur loyer rubis sur l’ongle depuis cinq, dix, quinze ou vingt ans (parfois plus) se retrouvent soudainement déstabilisées.

Elles sont priées de faire leurs valises suite à ces opérations qui n’ont d’autre objectif que de permettre à un opérateur immobilier qui débarque de faire son beurre en vendant des logements. Sans rien créer, sans apporter « le moindre plus » à l’économie réelle.

 

Avec ou sans toit

de Tonino Sérafini journaliste à Libération

 

(1) Les élus EELV signataires de la Tribune publiée par Médiapart sont Karima Delli (Députée Européenne), Joel Labbé (Sénateur), René Dutrey (Conseiller de Paris), Bernard Jomier (Conseiller du 19e arrondissement).